jeudi, janvier 27, 2005

La ronde des mots perdus

Assise sur mon canapé, à travers la baie vitrée, je regarde danser les mots perdus, les suspendus sur le bout de la langue, les mots sans contenu, les attendus en retard, ils font la queue leu leu le long du couloir qui mène à mon dortoir. Murmure et chuchotement, rumeur et potinage, ils font le pied de grue, s’impatientent et s’ennuient, piétinent et trépignent, se plaignent de n’être point reçus dans ce lieu incongru qu’est le bocal à image qui me sert de cerveau.

dimanche, janvier 23, 2005

Mes sagesses incultes

Sagesse de danser de tout mon être jusqu'à l'épuisement, lavée par une transpiration salvatrice, enivrée par le vertige des mouvements en arabesque de mon corps qui se débat avec la terre, défiant le carcan de l'éducation qui nous fait sentir mal à l'aise debout.

Sagesse de rire en laissant éclater ma voix haute et suraiguë, hystérique et féminine, ignorante et inculte, comme un jet brut d'énergie, comme une insulte à la froide discrétion de la modération, une fièvre incontrôlée déferle hors de moi, et arrive comme un crachat sur une joue.

Sagesse de la frustration de ne pouvoir être toujours en mouvement, de ressentir le vide si souvent, de ces temps de repos, de lassitude exacerbés, qui sont autant de champs en friche que de labyrinthes sans issues, de questions en suspens, de tristes souvenirs, de devenir fou.

Sagesse d'occuper ses mains à fabriquer des objets, des dessins, des bijoux, des collages, manipuler des images, cuisiner, décorer, faire le ménage, caresser le chat, tourner les pages d'un livre, tricoter des mirages, car les mains occupent la plus grande partie de notre cerveau mou.

Sagesse de savoir ce qui fait du bien, sagesse de se connaître un peu pour se faire mieux, sagesse inculte ou très culte, peu importe, seul importe qu'elle soit, ou du moins qu'elle tente d'être, qu'elle s'immisce dans la vie comme un souffle sur le cou.

samedi, janvier 22, 2005

Des chansons tristes

Degrés zéro du ressenti, des jours qui s'enfilent sans envie, sans désir, des jours de chansons tristes, beaucoup d'ennui, le temps s'allonge, cinq jours d'arrêt maladie suite à une cervicalgie. Je suis à sec d'inspiration, d'énergie. Demain je sors me ressourcer auprès de mon ami, mon frère. Nous arpenterons Paris, discuterons de nos vies, de nos dernières idées, il y en aura peu mais elles seront, entre nos mains agiles, décryptées, analysées, mesurées sous leurs facettes les moins probables, et nous conclurons par quelques mots fins sur le système qui nous fait penser ce que nous sommes avec tout de même, une pointe d'insoumission et d'incrédulité devant la marche du monde.

mardi, janvier 18, 2005

Singe-corps

Vidée, éparpillée, dilatée, dissoute, dispersée, perdue, irritée, fatiguée, énervée, tendue, lente, désintéressée, dégrisée.
Les mots posés comme un chemin bordé de cailloux, la peau tendre de la voûte plantaire s'enfonce sur ce sol rugueux semé de petites douleurs, qui s'accumulent jusqu'à faire très mal aux pieds du coeur.
Qu'est-ce qui me pousse à marcher à reculons ? Pourquoi suis-je en permanente reconstruction ? Pourquoi tant de questions ? C'est le moteur de l'inaction, le 'courage fuyons', c'est la méditation du songe-creux, du singe-corps ...

lundi, janvier 10, 2005

Des filles et des chats

Les filles aiment les chats, qui se lovent dans leurs bras, leur chuchotent tout bas des ronrons amoureux, les regardent avec leurs ronds yeux curieux, collent leur museau humide contre la joue et leur lapent à petits coups de langue râpeuse.

Les filles aiment les chats perchés, qui s'enroulent telle une écharpe autour du cou, posent une patte sur leur épaule pour retenir un instant d'intense intimité, et enfouissent leur tête sous une aisselle ou se servent d'un sein coussin.

Les filles aiment les chats acrobates, funambules qui déambulent sur des passerelles étroites de meubles ou de rambardes de fenêtres, se tiennent sur leurs pattes arrières et bondissent vers la lumière quand ils chassent des poussières.

Les filles aiment les chats plein de grâce qui sautent haut et retombent sur le parquet dans la sourde musique des chaussons de satin qui patinent le bois, pas chassés, étirement, dos rond et petits pas de quatre, dodelinant élégamment.

Haïku du dimanche

Le ciel couleur d'eau
Des souvenirs chargent l'air
Dimanche d'hiver

Vent frais du matin
Je vais au supermarché
Primeurs, fromager

Tarte aux légumes
Tomates et chèvre chaud
Galette des rois

Traverse le temps
Laurent, un ami lointain
Resurgit soudain

Quand la nuit tombe
Je sors apprêts et perles
Idées déferlent

samedi, janvier 08, 2005

Songe orange et blanc

Le bouddha m'a montré en songe
la pâte de mon âme, elle était blanche et molle
et il me l'a donnée pour que je la façonne

Le bouddha m'a prise en songe
dans ses bras oranges, son sourire irradiait
et il m'a fait tourner et danser

Le bouddha m'a dit en songe
de laisser le passé, de cueillir le présent
et surtout de vivre joyeusement

jeudi, janvier 06, 2005

Le ciel couleur de miel

Est-ce la fatigue ou le désir d'intensité ? Je rêve éveillée que je marche à travers des sentiers de Provence ou du Var. Le soleil de fin d'après-midi rosie la peau, les herbes sèches craquent sous les pas lents et réguliers de la marche, une main posée sur un rocher chaud, un angle sur le chemin sinueux. Les grillons bercent le temps, les bourdons et les abeilles butinent les bouquets de lavandes. Je suis avec la nature, je suis en elle avec ses autres créatures.

lundi, janvier 03, 2005

Ivressence

Dans mes veines coule un liquide mutin
L'alcool échauffe chaque partie de mon corps-satin
Le sang pétille, empourprant lèvres et joues

Odeur-essence m'enveloppe jusqu'au matin
Couvre ma peau nue d'une robe de fils d'or-lin
Les bulles éclatent de rire par petits bouts

Moue aux accent de délice, glissement de terrain
Contours qui s'esquissent

Des bracelets s'enroulent autour de mes bras affinés
Danse sacrée, prémisses

dimanche, janvier 02, 2005

J'aime Paris dans le métro

J'aime les japonaises avec une doudoune grise et un grand col croisé gonflé de plumes d'oie.
J'aime les afro-européenne avec un bandeau qui souligne leur coiffure bombée et de grandes créoles aux oreilles.
J'aime les chinois avec des petites lunettes rondes et une écharpe à rayures bayadères.
J'aime les guadeloupéennes avec des petites torsades de cheveux qui casquent leur visage de mousse.
J'aime les bonhommes français qui déboulent à la sonnerie avec leur grand manteau et leur air débordé
J'aime les homosexuels du Marais avec leur cheveux gélifiés, leur bouche un peu pincée et leur style looké.
J'aime Paris dans le métro avec tous ses passagers qui font d'elle ce qu'elle est.